La population française est de plus en plus sensible à la condition animale. Alors que la protection des animaux est une composante fondamentale de l’écologie politique ; alors que le travail de nos eurodéputé·e·s et parlementaires est salué par les associations et les professionnels, la société civile française peine à reconnaitre que Europe Écologie – Les Verts est un précurseur de ces sujets.Alors que la sentience est scientifiquement reconnue par des grands noms des sciences depuis la Déclaration de Cambridge de 2012.Cette motion propose de renforcer le corpus des écologistes par l’ajout officiel du concept de sentience dans le vocabulaire de l’écologie politique afin que nos militant·e·s et élu·e·s se familiarisent avec.
Exposé des motifs
Fédération internationale de plus de 100 partis écologistes, les Global Greens ont adopté, lors du congrès de juin 2023, une motion visant à protéger les droits des animaux. Initiative du Partido Verde Ecologista de México, ce texte demande en premier lieu la reconnaissance de la sentience animale.Si la position de Europe Écologie – Les Verts est plus avancée que ce texte sur bien des points, nous pouvons remarquer l’absence notable de cette notion dans notre corpus programmatique. Par ailleurs, d’autres arguments viennent soutenir la généralisation de l’usage de ce terme et ce, autant d’un point de vue scientifique, sémantique, que juridique.Ainsi, si la référence à la « sensibilité » de l’animal, et non à la « sentience », est préférée dans plusieurs des textes juridiques (articles L.214-1 du Code rural ou encore 515-14 du Code civil) – sans d’ailleurs que le législateur ait pris la peine de définir précisément le terme – il semble important de souligner que « sensible » et ses déclinaisons sont en réalité bien souvent une traduction imparfaite du mot « sentient » ou « sentience » en anglais, lui-même d’origine latine. De fait, par exemple, l’article 13 du Traité de Fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) emploie, pour désigner les animaux, l’expression « sentient beings » dans sa version anglaise, alors que sa variante française parle d' »êtres sensibles ». Or, le mot « sentient », qui est utilisé en anglais pour désigner les animaux ne recouvre pas tout à fait la même réalité sémantique que le terme « sensible », d’où la nécessité de préférer son usage. En effet, « sensible » renvoie davantage aux sens, à la capacité d’un organisme à détecter et à réagir à une modification physique ou chimique de son environnement. Ce terme est ainsi flou. Le biologiste et philosophe G. Chapouthier, identifie par exemple trois niveaux de sensibilité chez les animaux : à quel stade de sensibilité décide-t-on de prendre en compte les intérêts de l’animal ? Malgré ce flou, il semble qu’aujourd’hui, lorsque le législateur parle de « sensibilité » (mais encore, sans que cela ne soit défini) il tend à désigner la capacité d’expérimenter la souffrance et le plaisir (définition issue de l’expertise de l’Inrae – l’institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement – sur la conscience), sans référence à d’autres degrés de conscience.On le voit donc, les acceptions du terme « sensible » sont floues, ne mettent pas suffisamment l’accent sur la conscience, la possibilité de vivre à la première personne des expériences et des états émotionnels variés, d’en tirer des enseignements, des projections, des attentes, sur la capacité à rentrer en interrelation, à mettre en œuvre une certaine théorie de l’esprit (c’est-à-dire conscientiser les états émotionnels et raisonnements des autres et agir en fonction). A l’inverse, la définition du terme « sentience » recouvre ces réalités en reconnaissant aux animaux visés un degré de conscience, de métacognition. Pour A-C. Gagnon, vétérinaire et Présidente fondatrice de l’Association contre la maltraitance animale et humaine, la référence à la « sentience » animale est ainsi l' »une des clés pour considérer les animaux comme des individus uniques ».La nécessité de traduire de façon transparente « sentience » en français a été soulignée par D. Broom, biologiste, professeur émérite de l’Université de Cambridge, rédacteur d’un rapport commandité par le Parlement européen sur le bien-être animal, qui rappelle également l’origine latine et française du terme. En 2015, un collectif d’associations et d’intellectuels, dont des associations comme CIWF ou Welfarm, avait demandé sans succès la consécration du terme par l’Académie française. Depuis, son intégration dans le dictionnaire Larousse en 2020 montre la pertinence et la validité de son usage.Alors que la société civile prête de plus en plus d’intérêt aux questions animales (selon l’Eurobaromètre 2023, 92% des Français·e·s estiment que le bien-être des animaux d’élevage devrait être mieux protégé et 85% des Français·e·s souhaitent que le bien-être des animaux de compagnie le soit davantage également), que de plus en plus de nos concitoyen·ne·s s’impliquent dans la protection animale, nous, écologistes, devons entendre et répondre à cet enjeu sociétal et scientifique.Pour ce faire, reconnaître et considérer les intérêts propres aux êtres sentients permet de mieux les défendre et ouvre la voie à un travail de reconnaissance juridique que nous soutenons ouvertement depuis le programme Vivant de 2022. Cela est d’autant plus important que nous, écologistes, sommes encore mal identifiés au niveau national dans la protection animale.Pour finir, nous rappellerons avec Astrid Guillaume, vétérinaire, que « c’est par les mots qu’on sensibilise l’opinion et c’est aussi par les mots que l’on reste ambigu ou non » sur des réalités scientifiques pourtant établies. Les mots et leurs usages sont assurément politiques.